Ref : Cass. soc., 17 mars 2021, n° 18-25.597, Publié au bulletin. Lire en ligne : https://www.doctrine.fr/d/CASS/2021/JURITEXT000043302170
Aux termes de l’article 9 du code de procédure civile :
« Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention. »
Ce principe fondamental de la loyauté dans l’administration la preuve impose notamment, dans les litiges en droits du travail, à l’employeur de ne peut pas user de moyens de preuve illicites pour justifier le bien-fondé d’une sanction, spécifiquement aux termes de l’article L1222-4 du code du travail :
« Aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à sa connaissance. »
Toutefois, il semblerait que la Cour de cassation ait admis un infléchissement quant à l’application de ces principes dans un cas touchant au harcèlement moral en entreprise. En effet, dans un arrêt récent du 17 mars 2021 (n°18-25.597), la Haute juridiction a jugé que :
« une enquête effectuée au sein d’une entreprise à la suite de la dénonciation de faits de harcèlement moral n’est pas soumise aux dispositions de l’article L. 1222-4 du code du travail et ne constitue pas une preuve déloyale comme issue d’un procédé clandestin de surveillance de l’activité du salarié ».
En l’espèce, après avoir missionné un organisme tiers qui avait dressé un compte rendu à charge contre la salariée, sans que celle-ci n’ait été informée ou entendue par celui-ci, un employeur justifiait alors du son licenciement pour faute grave.
Ainsi, le contexte particulier d’une situation de harcèlement peut être révélé au travers d’un compte rendu dressé par un cabinet d’audit saisi dans le cadre d’investigations menées à l’encontre d’un salarié dénoncé, considéré comme recevable par la Cour.
Par cette décision, la Cour de cassation rappelle également l’obligation de motivation des décisions de justice, issue de l’article 455 du code de procédure civil, qui constitue une règle fondamentale du procès civil :
« les juges du fond sont tenus d’examiner l’ensemble des éléments de fait et de preuve soumis aux débats par les parties au soutien de leurs prétentions ; »
En l’espèce, les « attestations » produites par l’employeur pour « établir le harcèlement moral à l’encontre de nombreux salariés de l’entreprise », n’ont pas été « visé » et « analysé » par la juridiction d’appel.
Cet arrêt important semble consacrer l’intervention d’organismes privés extérieurs à l’entreprise dans le cadre de la lutte contre le harcèlement en entreprise, en donnant aux rapports d’intervention émis par ceux-ci une effectivité concrète dans le cadre des procédures judicaires prudhomales.
De telles pratiques devront néanmoins faire l’objet d’une surveillance particulière dans la mesure ou les entreprises ne garantissent pas toutes des conditions d’enquête respectueuses des principes judiciaires.