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Le trop-perçu du fonctionnaire 3/4 (méthodologie d’analyse des trop-perçus)

Cet article a vocation à vous permettre de procéder à une première analyse d’un trop perçu qui vous serait appliqué et définir les premières démarches qu’il convient d’envisager. Nous vous invitons à prendre connaissance des deux premières parties relatives à l’évolution juridique de cette notion, qui demeure, à ce jour, très mouvante en juridprudence.

1. Identification du trop-perçu :

La définition du trop-perçu nécessite l’identification de trois critères cumulatifs :

– le versement d’une somme d’argent par l’Etat ou un établissement public à un particulier ou un fonctionnaire: 

Que ce soit du salaire, une indemnité ou une allocation, la puissance publique a la faculté d’appliquer un trop perçu dès lors qu’il s’agit d’une somme d’argent. Ainsi, a contrario, elle ne peut pas appliquer un trop perçu pour compenser un avantage autre que financier qu’elle estimerait avoir attribué de manière indue ou pour s’octroyer une indemnité ou une compensation financière. Ainsi, par exemple, les trop-perçus sur rémunération venant compenser l’attribution indue d’un logement de fonction, sont illégales. Une telle créance nécessitera l’application d’un texte spécifique, par exemple, pour une indemnité d’occupation du domaine publique (Article L2125-1 du CG3P).

– la démonstration du caractère indu de ce versement

Le caractère indu peut résulter d’une erreur de l’administration, d’une fraude ou d’une négligence du fonctionnaire dans la déclaration de sa situation personnelle ou professionnelle, ou encore d’une décision parfaitement légale mais dont les effets sont rétroactifs sur la situation de l’intéressé. C’est le cas notamment des décisions constatant la consolidation de l’état de santé d’un fonctionnaire qui peuvent avoir pour effet d’annuler rétroactivement un CITIS ou un congé spécial à plein traitement versé sur plusieurs années. Le caractère indu du versement ne résulte pas de la cause du versement mais de l’absence de fondement juridique justifiant le transfert d’argent public.

– la création par l’Etat ou un établissement public, d’une créance à l’encontre du particulier ou du fonctionnaire pour obtenir restitution de cette somme

La décision d’appliquer un trop perçu peut prendre trois formes différentes :

a. Elle peut tout d’abord être directement appliqué sur le bulletin de paye, sans aucune autre forme de notification. Très souvent, une telle pratique manque de clarté et peut même passer totalement inaperçu tant les fiches de paye peuvent être complexes. L’application directe d’un trop perçu sur le salaire est toujours une décision administratif attaquable en justice, même si elle n’est pas motivée et que les voies de recours ne sont pas notifiées. Dans ce cas, la retenue sur la paie ne peut pas dépasser la portion saisissable de la rémunération de l’agent. 

b. Le trop perçu peut également résulter de l’émission d’un titre de créance. C’est alors par l’intermédiaire de sa trésorerie que la personne apprendra sa dette.

c. Enfin, le plus souvent, le trop perçu sera notifié à l’intéressé par un courrier ou un arrêté, sans pour autant que cela ait immédiatement de conséquence sur la paye. Attention, dans ce cas, les délais de recours contre la décision courent à compter de la notification et non de l’exécution du trop-perçu.

2. Qualification du trop-perçu :

Question : Mon trop-perçu concerne-t-il une rémunération, principale ou accessoire ?

Si OUI, question : Suis-je à l’origine de l’indu (ex : oubli de donner une information à l’employeur) ou l’erreur est-elle due à mon administration (ex : mauvais calcul d’une prime par le comptable) ?

Si je suis responsable de l’indu : la prescription est de 5 ans.

Si l’employeur est responsable de l’indu : la prescription est de 2 ans.

Deux cas spécifiques rendent l’avantage définitif : 

– Si la rémunérations versées à tort à des agents sur la base d’une disposition réglementaire ayant fait l’objet d’une annulation par le Conseil d’État.

– Si la rémunération a été versée à tort sur la base d’une décision irrégulière devenue définitive de nomination dans un grade (avancement de grade, promotion interne ou titularisation d’un agent qui ne remplit pas les conditions – ces décisions sont en effet créatrices de droits et deviennent donc définitive si l’administration ne les retire pas dans le délai de 4 mois).

Si NON, question : l’indu est-t-il lié à un droit acquis (trop perçu est nul et l’avantage est définitif au-delà de quatre mois) ou à une simple erreur dans la liquidation d’une créance (prescription 5 ans)?

Si l’avantage résulte d’un acte juridique dont les conditions sont toujours en vigueur (pas de changement de situation) où dont la remise en cause est uniquement liée à la rétroactivité d’une décision de l’administration, il y a de grande chance que l’indu puisse faire l’objet d’une annulation par le juge administratif.

S’il n’y avait pas d’acte juridique, ou si les conditions initiales ayant présidées à l’octroi de l’avantage ne sont plus remplies, il s’agira alors d’une erreur de liquidation d’une créance.

Attention ! L’ensemble de cette analyse ne concerne que le délai de prescription de l’assiette, pas les délais de prescription de l’action en recouvrement. Cette dernière, opposable au comptable public, est de quatre ans à compter de l’émission du titre de recette.

Que faire en cas de trop perçu prescrit ou illégal ?

1) Ne pas payer immédiatement (dans la mesure du possible) car il est toujours plus facile de resister à une obligation de payer que d’obtenir le remboursement d’un paiement.

2) Ne pas demander d’échéancier, de délai ou de remise gracieuse, avant d’avoir examiné la légalité du trop-perçu. Celà reviens à admettre sans discussion de bien-fondé de la dette.

3) En cas de trop perçu non motivé : Demander par lettre recommandé A/R les motifs du trop-perçu.

4) Ecrire un recours graçieux ou hiérarchique le plus tôt possible par lettre recommandée A/R, et envisager un recours en annulation et un référé suspension. Le délai de recours est de deux mois si l’administration vous a informé des voies de recours, et d’un an en cas de défaut d’information (jurisprudence dite “CZABAJ”). 

5) Envisager la question d’un recours indemnitaire pour négligence dans le recouvrement des créances publiques. C’est ce que nous verrons dans la dernière partie de cette série d’articles consacrée aux trop-perçus. La négligence de l’administration dans le recouvrement des trop-perçus peut donner lieu à une indemnisation, qui vient se compenser avec la dette du fonctionnaire de manière partielle ou même totale.

En cas de question complémentaire ou de litige concernant le droit de la fonction publique, Me Baronet et son équipe vous reçoivent ou répondent à toute sollicitation déposée sur cette plateforme ou sur https://fbassocies-avocats.fr/  dans les meilleurs délais.

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Le trop-perçu du fonctionnaire 2/4 (le tempérament de la jurisprudence Ternon/Soulier et l’application de la distinction)

On l’a vu précédemment, la légalité d’un trop perçu dépends depuis l’arrêt TERNON du 26 octobre 2001 et l’arrêt SOULIER du 6 novembre 2002, n°223041, du caractère créateur de droit ou non de l’avantage accordé.

S’il est créateur de droit, l’avantage octroyé ne peut être retiré que dans le délai de quatre mois. Il s’agit d’une sorte de principe de sécurité juridique au profit des administrés opposable à l’Etat.

Mais cette distinction s’est avérée assez difficile à appliquer.

En pratique, la détermination du caractère créateur de droit s’avère assez délicate et laisse au juge une grande marge d’appréciation comme le démontre le tableau ci-joint regroupant des exemples de cas d’espèce ayant donné lieu tantôt à qualification « d’acte créateur de droit », tantôt à qualification « d’erreur de liquidation ».

 Erreur de liquidation : validation du trop-perçu

 Acte créateur de droit : trop-perçu annulé

Trop perçu d’indemnité de résidence résultant d’une erreur informatique dans la codification de la zone de résidence de l’intéressé (CE, 3 septembre 2008, n° 299870)

Acte créateur de droit pour un versement d’une prime de qualification à un médecin chef des armées (CE, 5 avril 2006, n° 278904)

Trop perçu d’une indemnité pour charge militaire résultant d’une erreur informatique (CE, 9 mai 2011, n° 339901)

Acte créateur de droit pour un versement d’une prime du fait que l’agent n’exerce plus les fonctions y ouvrant droit (CE, 14 mai 2008, n° 303700)

Erreur de calcul de la solde d’un militaire sur une base indiciaire erronée (CE, 7 décembre 2007, n° 286842)

Acte créateur de droit pour un arrêté plaçant un agent en congé pour accident de service est une décision créatrice de droits au profit de l’agent (Conseil d’État, 2ème / 7ème SSR, 23 juillet 2014, 371460)

Trop perçu d’une NBI à un fonctionnaire territorial en arrêt de travail (CE, 6 novembre 2002, n°223041)

Acte créateur de droit prononcant la suppression rétroactive d’une NBI d’un fonctionnaire placé en Congé longue durée (TA Limoges, 12 mai 2011, n° 1000820)

Trop perçu d’un plein traitement à M. X pendant ses congés de maladie, au lieu d’indemnités journalières correspondant à 80 % de son traitement, n’a pas le caractère d’une décision accordant un avantage financier et constitue une simple erreur de liquidation non créatrice de droits  (CAA Nantes, 31 oct. 2014, n° 13NT02221)

Acte créateur de droit pour un avantage explicitement octroyé maintenu ensuite sur les bulletins de paie sans décision formelle alors que les conditions auxquelles est subordonné son maintien ne sont plus remplies (Avis du CE du 3 mai 2004, 262074, publié au recueil Lebon)

Agent en congé de maladie demi-traitement qui a indûment perçu un plein traitement (CAA de NANCY, 3ème chambre – formation à 3, 24/09/2015, 14NC01640, Inédit au recueil Lebon)

Acte créateur de droit pour un plein traitement accordé au fonctionnaire victime d’un accident de service en cas de fixation rétroactive de la date de sa consolidation (Conseil d’État, 3ème sous-section jugeant seule, 26/11/2013, 355839, Inédit au recueil Lebon)

Erreur dans l’application du taux de l’indemnité de résidence (ord. réf. 22 juillet 2020, Ministre de l’intérieur, n°s 434697, 434702, 434704, 434705, 434707, 434709, 434711, 434713, 434714, 434717, 434719, 434721, 434722, 434724)

 

Maintien de la rémunération après la retraite (CAA Marseille, 8e ch., 9 févr. 2021, n° 19MA02802)

 

Le Conseil d’Etat a donc commencé à faire machine arrière devant la multiplication du contentieux, suivi par le législateur lui-même qui a ensuite tenter de contrecarrer partiellement la méthodologie préconisée par la jurisprudence TERNON/SOULIER.

Par un arrêt du, 12 octobre 2009, n° 310300, semblant revenir sur sa position précédente,  le Conseil d’Etat a tout d’abord exclu du champ des actes créateurs de droit les décisions implicitement prises par l’administration alors même que le fonctionnaire (il s’agissait d’un militaire) avait informé sa hiérarchie du changement de situation :

« le maintien indu du versement d’un avantage financier à un agent public, alors même que le bénéficiaire a informé l’ordonnateur qu’il ne remplit plus les conditions de l’octroi de cet avantage, n’a pas le caractère d’une décision accordant un avantage financier et constitue une simple erreur de liquidation ; qu’il appartient à l’administration de corriger cette erreur et de réclamer le reversement des sommes payées à tort, sans que l’agent intéressé puisse se prévaloir de droits acquis à l’encontre d’une telle demande de reversement ». 

Dans un second temps, par la loi de finance rectificative du 28 décembre 2011, le législateur a réduit à deux ans, à compter du 30 décembre 2011, le délai de prescription des créances résultant de paiements indus effectués par les personnes publiques en matière de rémunération de leurs agents.

Article 37-1 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 : « Les créances résultant de paiements indus effectués par les personnes publiques en matière de rémunération de leurs agents peuvent être répétées dans un délai de deux années à compter du premier jour du mois suivant celui de la date de mise en paiement du versement erroné, y compris lorsque ces créances ont pour origine une décision créatrice de droits irrégulière devenue définitive. »

Cette loi a-t-elle privé la jurisprudence TERNON/SOULIER de tout effet ?

NON. Même si elle a réduit singulièrement son champ d’application depuis ses plus de vingt ans d’existence, la jurisprudence TERNON/SOULIER s’avère toujours d’actualité.

Tout d’abord, la distinction entre acte créateurs de droit et erreurs de liquidation pourrait être un moyen de déterminer l’application ou non de la prescription biennale.

En effet, il faut noter que dans un arrêt du CE 3 mars 2017, n°398121, le Conseil d’Etat à laisser penser que les actes non-créateurs de droit peuvent être répétés sans condition de délai. Pris in extenso, cet arrêt pourrait suggérer que les erreurs de liquidation de créance, qui sont, par définition, non créatrices de droit ne seraient pas soumises à la prescription biannuelle. Toutefois, dans cette espèce, l’acte en question avait été obtenu par fraude. Or, comme l’expliquait le rapporteur publique G. Pellissier « un acte obtenu par fraude ne créé jamais de droits et peut être rapporté à tout moment, sans condition de délai (12 avril 1935, Sarovitch, p.520 ; 10 février 1961, C…, n°49300 p.102; 17 juin 1955, Silberstein, p. 335 ; 17 mars 1976, T…, n°89299p.157 ; 29 novembre 2002, APHP, n° 223027, au rec) ». Ainsi il est délicat d’en déduire l’inapplicabilité de l’article 37-1 à toutes les erreurs de liquidations de créance.

Il convient en outre de rappeler que l’article 37-1 précité ne s’applique qu’en matière de rémunération des fonctionnaires au sens strict.

Ainsi, la circulaire relative « au délai de la prescription extinctive concernant les créances résultant de paiements indus effectués par les services de l’Etat en matière de rémunération de leurs agents » du 11 avril 2013 indique que cette disposition à vocation à s’appliquer aux versements d’indus suivants :

-le traitement : l’agent a été rémunéré sur la base d’un indice supérieur à celui auquel il avait droit, a perçu un traitement correspondant à un temps plein alors qu’il travaillait à temps partiel, a bénéficié d’une rémunération en l’absence de service fait, a continué à être rémunéré alors qu’il était radié des cadres ;

-les compléments de rémunération énumérés à l’article 20 de la loi n° 83-634 du 13modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires que sont l’indemnité de résidence et supplément familial de traitement (SFT) : l’agent peut avoir perçu un SFT alors que son conjoint agent public le percevait ou que l’âge de ses enfants n’ouvrait plus ce droit ; il a pu bénéficier d’une indemnité de résidence au taux de Paris alors qu’il était affecté dans une commune n’y ouvrant pas droit ;

– les primes et indemnités instituées par un texte législatif ou règlementaire : l’agent percevait une nouvelle bonification indiciaire (NBI) alors que les fonctions qu’il occupait ne lui ouvraient pas ou plus ce droit ; des primes ont été versées sans base réglementaire ou alors que l’agent ne remplissait pas ou plus les conditions ;

-le remboursement des dépenses engagées par l’agent dans l’exercice de ses fonctions : prise en charge partielle du prix des titres d’abonnement correspondant aux déplacements effectués entre sa résidence habituelle et son lieu de travail, frais de missions etc. ;

-la rémunération accessoire comme lorsque l’agent participe à des activités de formation et de recrutement.

Ainsi, ne sont pas considérées comme des traitement indus les sommes versées à titre indemnitaire ou les pensions dont les règles de prescriptions obéissent au code des pensions civiles et militaires.

Enfin, nous le verrons dans un prochain article, le juge administratif conserve un pouvoir d’appréciation sur les trop-perçus selon que la rémunération accordée par un texte règlementaire l’est à titre définitif ou provisoire.

Le prochain article sera consacré à la méthode qu’il convient d’appliquer en cas de trop-perçu pour analyser les chances de succès d’une éventuelle contestation.

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Le trop-perçu du fonctionnaire 1/4 (la distinction erreur de liquidation/acte créateur de droit)

Lorsque l’administration verse à un agent publique une somme indue, cette somme a vocation à être récupérée par l’employeur public soit par prélèvement sur les prochaines échéances de la rémunération de l’agent, soit par l’émission d’un titre de créance recouvré par les services des finances publiques.

C’est d’ailleurs précisément de cette manière que le problème des trop-perçus de rémunération est présenté sur le site service-public.fr :

« Si l’administration vous verse à tort (ou indûment) une rémunération à laquelle vous n’avez en fait pas droit, elle peut vous en demander le remboursement dans un certain délai.

Le versement indu d’une rémunération peut résulter d’une erreur matérielle de calcul (ou erreur de liquidation) de votre rémunération. (…).

Le versement indu peut aussi résulter d’une décision irrégulière vous accordant une rémunération à laquelle vous n’avez en fait pas droit. (…). »

Mais cette information ne reflète pas exactement l’état du droit tel qu’il est appliqué par la justice administrative, qui s’avère, on va le voir, beaucoup plus favorable aux fonctionnaires.

La position de l’administration est tempérée par une décision très célèbre de la juridiction suprême de l’ordre administratif, le Conseil d’Etat, appelée la « jurisprudence Ternon ».

Rendue en 2001, cette décision a fixé un grand principe de fonctionnement du droit administratif qui dépasse largement la simple interprétation d’un texte, et qui, de ce fait, a façonné la jurisprudence de l’ensemble des tribunaux administratifs.

CE, ass., 26 octobre 2001, n° 197018, Ternon :

« sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires, et hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l’administration ne peut retirer une décision individuelle explicite créatrice de droits, si elle est illégale, que dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision »

Ainsi, si en principe l’administration peut corriger son erreur ce n’est que dans un délai de quatre mois. Passé ce délai, la décision, même illégale est définitive. Toutefois, dans ce cas précis, il n’était pas question de rémunération trop perçue mais de droit à la titularisation d’un agent.

Un an après, cette décision, le Conseil d’Etat a appliqué son principe « Ternon » en matière de rémunération, et plus spécifiquement, de Nouvelle Bonification Indiciaire (qui est une prime, versée à certains fonctionnaires territoriaux en fonction de l’exercice de certaines missions particulière).

Il s’agissait dans cette espèce, d’un fonctionnaire bénéficiant de cette prime de façon indue, et qui avant continué à la toucher alors qu’il était en congé maladie. La commune avait retiré l’avantage et appliqué rétroactivement un trop perçu en excipant d’une part, que l’agent n’aurait jamais dû percevoir cette prime (illégalité de l’acte initial), et de toute manière que la prime était conditionnée à l’exercice effectif des fonctions (non-application de la NBI pendant un congé).

Le Conseil d’Etat, Section du Contentieux, du 6 novembre 2002, n°223041, rappelle tout d’abord le principe TERNON :

« sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires et hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l’administration ne peut retirer une décision individuelle explicite créatrice de droits, si elle est illégale, que dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision »

Ensuite, il précise dans le cas d’un avantage financier :

« une décision administrative accordant un avantage financier crée des droits au profit de son bénéficiaire alors même que l’administration avait l’obligation de refuser cet avantage ; en revanche, n’ont pas cet effet les mesures qui se bornent à procéder à la liquidation de la créance née d’une décision prise antérieurement »

Suivant sa logique, la juridiction suprême tranche le litige en considérant qu’il n’est pas possible de remettre en cause l’acte initial octroyant la NBI, fusse-t-il illégal, dans la mesure où il n’a pas été retiré dans les quatre mois (Principe Ternon). En revanche elle considère que le fait d’avoir maintenu la NBI pendant le congé, alors que celle-ci est conditionnée à l’exercice effectif des fonctions, constitue une « erreur de liquidation d’une créance née antérieurement ». La bonification pouvait donc être retirée de ce fait.

C’est ainsi qu’est née la distinction entre les trop-perçus recouvrables par l’administration (erreur de liquidation d’une créance ») et ceux qui ne sont pas recouvrable car ils résultent d’un acte créateur de droit.

La décision TERNON légèrement réécrite, a été codifiée en un article L. 242-1 du code des relations entre le public et l’administration (CRPA) qui dispose que « l’administration ne peut abroger ou retirer une décision créatrice de droits de sa propre initiative ou sur la demande d’un tiers que si elle est illégale et si l’abrogation ou le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision ».

Et la distinction « erreur de liquidation/acte créateur de droit » est encore aujourd’hui régulièrement appliqué dans les tribunaux administratifs, spécialement dans les litiges qui opposent les fonctionnaires et agents à leur employeur public.

Le législateur a cherché à diminuer les effets de cette jurisprudence favorable par une loi de finance rectificative n°2011-1978 du 28 décembre 2011 – art. 94 (V) qui a fixé la règle selon laquelle: “Les créances résultant de paiements indus effectués par les personnes publiques en matière de rémunération de leurs agents peuvent être répétées dans un délai de deux années à compter du premier jour du mois suivant celui de la date de mise en paiement du versement erroné, y compris lorsque ces créances ont pour origine une décision créatrice de droits irrégulière devenue définitive.”

Nous verrons dans le prochain article que, malgré l’intervention du législateur, la discussion oppérée par la jurisprudence TERNON n’a pas perdu toute effet et que la question des trops perçus est discutée au cas par cas devant les Tribunaux.

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HARCÈLEMENT ET LOYAUTÉ DE LA PREUVE

Ref : Cass. soc., 17 mars 2021, n° 18-25.597, Publié au bulletin. Lire en ligne : https://www.doctrine.fr/d/CASS/2021/JURITEXT000043302170

Aux termes de l’article 9 du code de procédure civile :

« Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention. »

Ce principe fondamental de la loyauté dans l’administration la preuve impose notamment, dans les litiges en droits du travail, à l’employeur de ne peut pas user de moyens de preuve illicites pour justifier le bien-fondé d’une sanction, spécifiquement aux termes de l’article L1222-4 du code du travail :

« Aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à sa connaissance. »

Toutefois, il semblerait que la Cour de cassation ait admis un infléchissement quant à l’application de ces principes dans un cas touchant au harcèlement moral en entreprise. En effet, dans un arrêt récent du 17 mars 2021 (n°18-25.597), la Haute juridiction a jugé que :

« une enquête effectuée au sein d’une entreprise à la suite de la dénonciation de faits de harcèlement moral n’est pas soumise aux dispositions de l’article L. 1222-4 du code du travail et ne constitue pas une preuve déloyale comme issue d’un procédé clandestin de surveillance de l’activité du salarié ».

En l’espèce, après avoir missionné un organisme tiers qui avait dressé un compte rendu à charge contre la salariée, sans que celle-ci n’ait été informée ou entendue par celui-ci, un employeur justifiait alors du son licenciement pour faute grave.

Ainsi, le contexte particulier d’une situation de harcèlement peut être révélé au travers d’un compte rendu dressé par un cabinet d’audit saisi dans le cadre d’investigations menées à l’encontre d’un salarié dénoncé, considéré comme recevable par la Cour.

Par cette décision, la Cour de cassation rappelle également l’obligation de motivation des décisions de justice, issue de l’article 455 du code de procédure civil, qui constitue une règle fondamentale du procès civil :

« les juges du fond sont tenus d’examiner l’ensemble des éléments de fait et de preuve soumis aux débats par les parties au soutien de leurs prétentions ; »

En l’espèce, les « attestations » produites par l’employeur pour « établir le harcèlement moral à l’encontre de nombreux salariés de l’entreprise », n’ont pas été « visé » et « analysé » par la juridiction d’appel.

Cet arrêt important semble consacrer l’intervention d’organismes privés extérieurs à l’entreprise dans le cadre de la lutte contre le harcèlement en entreprise, en donnant aux rapports d’intervention émis par ceux-ci une effectivité concrète dans le cadre des procédures judicaires prudhomales.

De telles pratiques devront néanmoins faire l’objet d’une surveillance particulière dans la mesure ou les entreprises ne garantissent pas toutes des conditions d’enquête respectueuses des principes judiciaires.

 
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Nouveauté sur le front des barèmes prudhomaux

Ref : CA Paris, pôle 6 – ch. 11, 16 mars 2021, n° 19/08721. Lire en ligne : https://www.doctrine.fr/d/CA/Paris/2021/CF1B2CF6819D93BC29E07

Institué par l’ordonnance du 22 septembre 2017 ratifiée par la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018, la nouvelle rédaction L1235-3 du code du travail encadre, par un barème, le montant de l’indemnité allouée par le conseil des prud’hommes en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Pour tout licenciement prononcé depuis le mois d’octobre 2017, cette indemnisation est strictement déterminée en fonction de la taille de l’entreprise et de l’ancienneté du salarié, le juge n’ayant qu’une marge de manœuvre équivalente à 1 à 3 mois de salaire en moyenne.

Une telle mesure a pu paraitre comme une limitation du pouvoir du juge prudhomal pour adapter le montant des condamnations au préjudice réel du salarié abusivement licencié.

De nombreux avocats et défenseurs syndicaux ont depuis lors, développé devant les juridictions prudhomales des stratégies de défense visant à faire reconnaître l’absence de conformité de ce dispositif à la Convention n°158 de l’Organisation internationale du travail ainsi qu’à la charte sociale européenne.

Aux termes de deux avis rendus le 13 juillet 2019 (n°15012 et 15013), la Cour de cassation s’était prononcée favorablement sur la compatibilité « des dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail avec les stipulations de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail » et avait affirmé l’absence « d’effet direcen droit interne dans un litige entre particuliers » des dispositions de l’article 24 de la Charte sociale européenne.

Toutefois, dans une décision très récente, rendue le 16 mars 2021 (n°19/08721), la Cour d’Appel de Paris s’est affranchie du barème :

« Selon l’article 10 de la Convention internationale du travail n° 158 sur le licenciement de l’Organisation internationale du travail, qui est d’application directe en droit interne :

«Si les organismes mentionnés à l’article 8 de la présente convention arrivent à la conclusion que le licenciement est injustifié, (…) ils devront être habilités à ordonner le versement d’une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée.»

Le terme ‘adéquat’ doit être compris comme réservant aux États parties une marge d’appréciation.

(…)

Eu égard à cette ancienneté et à la taille de l’entreprise, l’article L. 1235-3 du code du travail fixe l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à une somme comprise entre 3 et 4 mois de salaire, soit sur la base d’un salaire moyen de 4.403,75 euros bruts, une indemnité oscillant entre 13.211,25 et 17.615 euros.

Cette somme représente à peine la moitié du préjudice subi en termes de diminution des ressources financières depuis le licenciement. »

Dans ce cas d’espèce, le juge a considéré que la salariée demanderesse, étant âgée de 53 ans à la date de la rupture du contrat de travail et de 56 ans au jour de l’arrêt, se trouvait dans une situation concrète et particulière telle que :

« le montant prévu par l’article L. 1235-3 ne permet pas une indemnisation adéquate et appropriée du préjudice subi, compatible avec les exigences de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’OIT.

Le juge a donc pris la décision d’écarter l’application du barème résultant de l’article L. 1235-3 du code du travail.

Dans le cadre de la défense prudhomale, le Cabinet F&B Associés vous accompagne en soulevant ce type d’exception d’illégalité afin de vous permettre d’obtenir une indemnisation appropriée.

art4

COVID-19 : VEILLE JURIDIQUE 2 : Prolongation des titres de séjours et mesures privatives de libertés concernant les étrangers

Par une ordonnance (Ordonnance n° 2020-328 du 25 mars 2020 portant prolongation de la durée de validité des documents de séjour) prise dans le cadre de la LOI n° 2020-290 du 23 mars 2020  dite “Loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19”, le Gouvernement entend prolonger de 90 jours la validité de divers titres autorisant le séjour des étrangers sur le territoire Français, à savoir :

1° Visas de long séjour ;

2° Titres de séjour, à l’exception de ceux délivrés au personnel diplomatique et consulaire étranger ;

3° Autorisations provisoires de séjour ;

4° Récépissés de demandes de titres de séjour ;

5° Attestations de demande d’asile.

La prolongation ne concerne que les titres dont la date d’expiration intervient entre le 16 mars 2020 et le 15 mai 2020.

Si le titre de séjour de l’étranger a expiré avant le 16 mars, il ne saurait bénéficier de cette prolongation. Il convient alors de solliciter selon les situations, un droit au séjour conformément aux lois et règlements en vigueur.

Les personnes étrangères en situation irrégulière peuvent toujours, pendant l’état d’urgence sanitaire, faire l’objet de mesure d’éloignement.

Attention : Une autre ordonnances prisent dans le cadre de la LOI n° 2020-290 du 23 mars 2020  dite “Loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19” ont pour objet de suspendre les délais de recours en matière administrative. Cette suspension ne concerne pas les mesures privatives de libertés applicables aux étrangers en situation irrégulière, comme les mesures de placement en rétention administrative, ou dans une moindre mesure, les assignations à résidence.

L’article 1er du projet d’ordonnance dite “relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période” (Ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020) prévoit :

“Article 1er

I. ‒ Les dispositions du présent titre sont applicables aux délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré dans les conditions de l’article 4 de la loi du 22 mars 2020 susvisée.

II. ‒ Les dispositions du présent titre ne sont pas applicables :

1° Aux délais et mesures résultant de l’application de règles de droit pénal et de procédure pénale, ou concernant les élections régies par le code électoral et les consultations auxquelles ce code est rendu applicable ;

2° Aux délais concernant l’édiction et la mise en œuvre de mesures privatives de liberté ;

3° Aux délais concernant les procédures d’inscription dans un établissement d’enseignement ou aux voies d’accès à la fonction publique ;

4° Aux obligations financières et garanties y afférentes mentionnées aux articles L. 211-36 et suivants du code monétaire et financier ;

5° Aux délais et mesures ayant fait l’objet d’autres adaptations particulières par la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 ou en application de celle-ci.

III. ‒ Les dispositions du présent titre sont applicables aux mesures restrictives de liberté et aux autres mesures limitant un droit ou une liberté constitutionnellement garanti, sous réserve qu’elles n’entrainent pas une prorogation au-delà du 30 juin 2020. “

art4

COVID-19 : VEILLE JURIDIQUE 1 : l’indemnité complémentaire aux IJSS prévue à l’article L. 1226-1 du code du travail

Selon l’article L1226-1 du Code du travail :

“Tout salarié ayant une année d’ancienneté dans l’entreprise bénéficie, en cas d’absence au travail justifiée par l’incapacité résultant de maladie ou d’accident constaté par certificat médical et contre-visite s’il y a lieu, d’une indemnité complémentaire à l’allocation journalière prévue à l’article L. 321-1 du code de la sécurité sociale, à condition :

1° D’avoir justifié dans les quarante-huit heures de cette incapacité, sauf si le salarié fait partie des personnes mentionnées à l’article L. 169-1 du code de la sécurité sociale ;

2° D’être pris en charge par la sécurité sociale ;

3° D’être soigné sur le territoire français ou dans l’un des autres Etats membres de la Communauté européenne ou dans l’un des autres Etats partie à l’accord sur l’Espace économique européen.

Ces dispositions ne s’appliquent pas aux salariés travaillant à domicile, aux salariés saisonniers, aux salariés intermittents et aux salariés temporaires.

(…)”

L’une des ordonnances prisent dans le cadre de la LOI n° 2020-290 du 23 mars 2020  dite “Loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19” a vocation à assouplir les conditions d’octroit de cette indemnité complémentaire (Ordonnance n° 2020-322 du 25 mars 2020) :

Ainsi, le texte prévoit que :

“Afin de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation du Covid-19, jusqu’au 31 août 2020, l’indemnité complémentaire mentionnée à l’article L. 1226-1 du code du travail est versée :

1° Aux salariés qui bénéficient d’un arrêt de travail en application des dispositions prises pour l’application de l’article L. 16-10-1 du code de la sécurité sociale, sans que la condition d’ancienneté prévue au premier alinéa de l’article L. 1226-1 du code du travail ni les conditions prévues aux 1° et 3° du même article ne soient requises et sans que l’exclusion des catégories de salariés mentionnées au cinquième alinéa du même article ne s’applique ;

2° Aux salariés en situation d’absence au travail justifiée par l’incapacité résultant de maladie ou d’accident mentionnés à l’article L. 1226-1 du code du travail sans que la condition d’ancienneté prévue au premier alinéa de cet article ne soit requise et sans que l’exclusion des catégories de salariés mentionnées au cinquième alinéa du même article ne s’applique.”

Un décret peut aménager les délais et les modalités selon lesquelles l’indemnité mentionnée au premier alinéa est versée pendant la période prévue à cet alinéa aux salariés mentionnés aux 1° et 2°.”

Il faut en déduire que l’indemnité complémentaire à l’allocation journalière devrait concerner désormais :

1) Les salariés en situation d’absence au travail justifiée par l’incapacité résultant de maladie ou d’accident du travail, comme précédement, mais quelle que soit leur ancienneté ou la nature de leur contrat de travail,

2) Les personnes qui présentent les symptômes du COVID 19 et qui font l’objet d’un arrêt de travail quelle que soit leur ancienneté ou la nature de leur contrat de travail,

3) Les personnes “à risque” qui font, à compter du 18 mars 2020, l’objet d’un arrêt de travail pour une durée initiale de 21 jours déclaré via le téléservice de déclaration de l’Assurance maladie, sans passer par leur médecin traitant ou leur employeur, et quelle que soit leur ancienneté ou la nature de leur contrat de travail,

4) Les parents d’enfants de moins de 16 ans dont l’établissement scolaire ou la crèche a été fermée et qui obtiennent un arrêt de travail déclaré via le téléservice de déclaration de l’Assurance maladie, quelle que soit leur ancienneté ou la nature de leur contrat de travail,

L’indemnité est versée par l’employeur.

Dans le dispositif antérieur, pendant les 30 à 90 premiers jours d’arrêt selon l’ancienneté, le salarié touche des indemnités, qui en complément de IJ, permettent de percevoir 90 % de la rémunération brute qu’il aurait perçue.

Pendant les 30 à 90 jours d’arrêt suivants, le pourcentage est abaissé aux 2/3 (soit 66,66 %) de sa rémunération.

Un décret devrait cependant aménager les délais et les modalités selon lesquelles l’indemnité mentionnée au premier alinéa est versée pendant la période de confinement.

art1

ACCIDENT MEDICAL: Les proches d’une victime d’accident médical, non ayants-droit, peuvent prétendre à une indemnisation par l’ONIAM

CONSEIL D’ÉTAT, SECTION, 03/06/2019, 414098, A, PUBLIÉ AU RECUEIL LEBON

Dans son arrêt de Section du 03 juin 2019, le Conseil d’Etat vient de statuer en faveur du droit à indemnisation des proches d’une victime décédée à la suite d’un accident médical.

En l’espèce, à la suite d’un accident médical survenu au cours d’une intervention dans un hôpital public, une jeune fille mineure décède. Ses parents, divorcés mais ayant chacun un nouveau conjoint, sollicitent pour eux-mêmes, mais également pour le compte de leurs conjoints respectifs, une indemnisation devant l’Office National d’Indemnisation des Accidents Médicaux (ONIAM).

La procédure se poursuivant devant la Cour administrative d’appel de BORDEAUX, cette dernière juge notamment qu’à défaut de posséder la qualité d’héritiers ou de légataires de la victime, les conjoints des parents de la victime ne pouvaient être regardés comme ses ayants droit au sens des dispositions du I de l’article L. 1142-1 du code de la santé publique, et refuse à ce titre l’indemnisation de leur préjudice d’affection.

Saisi d’un pourvoi, le Conseil d’Etat casse l’arrêt de la Cour administrative d’appel en précisant “qu’en prévoyant, depuis la loi du 9 août 2004, l’indemnisation au titre de la solidarité nationale des ayants droit d’une personne décédée en raison d’un accident médical, d’une affection iatrogène ou d’une infection nosocomiale, les dispositions précitées ouvrent un droit à réparation aux proches de la victime, qu’ils aient ou non la qualité d’héritiers, qui entretenaient avec elle des liens étroits, dès lors qu’ils subissent du fait de son décès un préjudice direct et certain. Par ailleurs, lorsque la victime a subi avant son décès, en raison de l’accident médical, de l’affection iatrogène ou de l’infection nosocomiale, des préjudices pour lesquels elle n’a pas bénéficié d’une indemnisation, les droits qu’elle tirait des dispositions précitées sont transmis à ses héritiers en application des règles du droit successoral résultant du code civil.”

Au vu de cette décision importante, il convient désormais de compléter les demandes en indemnisation à la suite d’accidents médicaux par toutes pièces de nature à démontrer le préjudice direct et certain des proches de la victime, qu’ils aient ou non la qualité d’héritiers, dès lors qu’ils entretenaient avec elle des liens affectifs étroits.

Le Cabinet de Maître BARONET intervient régulièrement en cette matière et peut de ce fait vous orienter et vous conseiller dans ce type de procédure.

art3

AGENT TERRITORIAL : En cas de changement d’employeur public, peut-on transformer mon CDI en CDD ?

Aux termes de l’article 14 ter de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dite « loi Le Pors » :

« Lorsque l’activité d’une personne morale de droit public employant des agents non titulaires de droit public est reprise par une autre personne publique dans le cadre d’un service public administratif, cette personne publique propose à ces agents un contrat de droit public, à durée déterminée ou indéterminée selon la nature du contrat dont ils sont titulaires.

Sauf disposition législative ou réglementaire ou conditions générales de rémunération et d’emploi des agents non titulaires de la personne publique contraires, le contrat qu’elle propose reprend les clauses substantielles du contrat dont les agents sont titulaires, en particulier celles qui concernent la rémunération.

Les services accomplis au sein de la personne publique d’origine sont assimilés à des services accomplis au sein de la personne publique d’accueil.

En cas de refus des agents d’accepter le contrat proposé, leur contrat prend fin de plein droit. La personne publique qui reprend l’activité applique les dispositions relatives aux agents licenciés ».

Il en résulte que les agents concernés par une reprise en régie d’une activité de service public administratif (SPA) par une personne publique, et bénéficiant d’un contrat à durée indéterminée au moment du transfert, doivent se voir proposer un nouveau contrat de droit public à durée indéterminée, selon les clauses initiales de leur contrat.

La Circulaire NOR BCFF0926531C du 19 novembre 2009 relative aux modalités d’application de la loi n° 2009-972 du 03 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique, précise que :

« 2-2 La reprise des contrats des agents non titulaires dans le cadre des transferts d’activités

S’inspirant des dispositions de l’article 20 de la loi du 26 juillet 2005 relative aux modalités de transfert d’activités entre des organismes privé et public, aujourd’hui codifiées à l’article L. 1224-3 du code du travail, la loi introduit deux nouveaux mécanismes de reprise des contrats des agents non titulaires concernés par des transferts d’activités.

L’article 14 ter de la loi du 13 juillet 1983 précise les modalités de reprise des agents non titulaires dans le cadre d’un transfert d’activités entre personnes morales de droit public.

Sont concernés les agents non titulaires recrutés par les administrations de l’Etat et ses établissements publics, les collectivités territoriales et leurs établissements publics ainsi que les établissements mentionnés à l’article 2 de la loi du 9 janvier 1986 précitée, dans les conditions prévues par le statut général, quel que soit le fondement juridique du recrutement.

Aux termes de cet article, la personne morale de droit public d’accueil est dans l’obligation de proposer un nouveau contrat de droit public aux agents non titulaires participant à l’exercice de l’activité transférée, qui reprend les clauses substantielles de leur ancien contrat. Font notamment partie des clauses substantielles d’un contrat les clauses relatives à sa durée et son objet, à la quotité de temps de travail, à la qualification, à l’ancienneté et à la rémunération.

(…) Il convient de noter que les agents transférés auprès d’une nouvelle personne publique en application de cet article le sont pour la durée du contrat dont ils sont titulairesAinsi les bénéficiaires d’un CDI se voient proposer un nouveau CDI par l’administration d’accueil.

(…) L’assimilation des services accomplis au sein de la personne publique d’origine vaut pour l’ouverture des droits à congés et à formation auprès de la personne publique d’accueil ainsi que pour la reconduction, le cas échéant, d’un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée. (…) ».

Il en résulte que l’employeur public doit reprendre les clauses substantielles du contrat initial, notamment en ce qui concerne :

  • la durée du contrat
  • son objet
  • la rémunération
  • la qualification
  • l’ancienneté.

Dans ce contexte, le changement d’employeur public, bien que n’opérant pas un transfert automatique du contrat, ne peut aboutir à un licenciement qu’en cas de refus d’une proposition de contrat. Or, la proposition qui est faite à un agent de poursuivre en CDD une relation contactuelle qui était à durée indéterminée chez son ancien employeur publique est illégale. Un refus de la part de l’agent ne saurait donc aboutir à un licenciement dans cette hypothèse.  

En outre, si les clauses substantielles ne sont pas conformes au premier contrat, l’agent est également en droit de refuser la proposition de contrat du nouvel employeur.

art1

ACCIDENT DE SERVICE ET MALADIE PROFESSIONNELLE : Caractère obligatoire du rapport du médecin de prévention devant la commission de réforme

L’article 26 du décret n°86-442 du 14 mars 1986 énonce que :

 « Sous réserve du deuxième alinéa du présent article, les commissions de réforme prévues aux articles 10 et 12 ci-dessus sont obligatoirement consultées dans tous les cas où un fonctionnaire demande le bénéfice des dispositions de l’article 34 (2°), 2° alinéa, de la loi du 11 janvier 1984 susvisée. Le dossier qui leur est soumis doit comprendre un rapport écrit du médecin chargé de la prévention attaché au service auquel appartient le fonctionnaire concerné.

La commission de réforme n’est toutefois pas consultée lorsque l’imputabilité au service d’une maladie ou d’un accident est reconnue par l’administration. »

Selon le Conseil d’Etat, lorsque l’avis de la commission de réforme est entaché d’un vice propre à entacher sa légalité, le fonctionnaire peut invoquer ce vice à l’appui d’une demande d’annulation de la décision prise sur la base de cet avis (ex : CE, 04 août 2006, req n°272074, Madame Massimi c/Ministre de l’Economie, des finances et de l’industrie et Ministre de la justice).

Au vu de la combinaison des deux textes précités, lorsque la Commission de réforme est consultée sur une demande d’accident survenue dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice des fonctions d’un agent, le dossier qui lui est soumis doit obligatoirement comporter un rapport écrit du médecin de prévention.

Il arrive parfoit que, malgré l’intervention du médecin de prévention au soutien de la demande de reconnaissance d’un accident de service ou d’une maladie professionnelle, l’administration joigne au dossier soumis à la commission de réforme le rapport d’un médecin expert agréé. Bien souvent, le contenu de ce rapport s’avère assez éloigné des conclusions du médecin de prévention et permet à l’administration d’argumenter en défaveur de la demande du fonctionnaire au sein de la commission.

Cette pratique n’est pas illégale en soit. Pour autant, il ne peut en aucun cas être considéré que le rapport du médecin expert agréé est de nature à se substituer au rapport du médecin de prévention visé par l’article 26 du décret susvisé.

Il en a été jugé ainsi, dans une espèce  plaidée par le cabinet de Me BARONET devant le Tribunal administratif de Melun qui a considéré que :

« lorsque le département ne reconnaît pas l’imputabilité au service d’une maladie, et qu’il est, de ce fait, dans  l’obligation de saisir pour avis la commission de réforme, celle-ci se prononce au vu d’un rapport établi par le médecin du service de médecine professionnelle et préventive pour les fonctionnaires territoriaux ; qu’il est constant qu’en l’espèce, la commission de réforme ne s’est pas prononcée au vu d’un tel rapport, mais de celui du docteur X, médecin expert agréé qui était défavorable à la demande de la requérante ; que pourtant l’avis du docteur Y, médecin chargé de la prévention aurait présenté, en l’espèce, un intérêt certain eu égard à ce que, ultérieurement, son rapport rédigé dans le cadre du recours gracieux de Madame Z pour reconnaissance d’une maladie professionnelle conclurait en relevant des éléments cliniques en faveur d’un facteur professionnel ».

L’arrêté de refus de reconnaissance d’une maladie professionnelle est donc entaché d’illégalité dès lors que :

1) Le rapport du médecin de prévention n’a pas été transmis à la Commission de réforme avant sa décision

2) Le médecin de prévention apporte un avis contraire au médecin expert agréé.

L’autre question qui demeure à ce jour non résolue est celle de l’obligation pour le fonctionnaire de se soummettre à la visite médicale sollicitée par l’administration chez le médecin agréé.

Pour toute question sur le sujet, n’hestitez pas à contacter Me BARONET.

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